Unshared Authorship (2012) – [fra]

Lorsque je fais un travail dans l’espace public je dois me confronter à la question de la ‘responsabilité d‘auteur’, surtout s’il s’agit d’un travail où je réside sur place, comme je le ferai bientôt avec le “Gramsci Monument”.

‘Unshared Authorship’
C’est pourquoi je veux proposer un nouveau type de responsabilité d‘auteur: ‘Unshared Authorship’, que l’on peut traduire par : la Responsabilité d’auteur non-partagée. Cela veut dire que moi, l’artiste, suis l’auteur du “Gramsci Monument”, je suis entièrement et totalement l’auteur de tout ce qui concerne mon travail. En tant qu’auteur avec une Responsabilité d’auteur non-partagée, je ne partage ni la responsabilité de mon travail ni sa compréhension, d’où le terme: ‘non- partagé’. Mais je ne suis pas le seul auteur! Car l’Autre, celui qui prend lui aussi la responsabilité d’auteur, est – également – auteur. L’Autre peut être auteur, entièrement et totalement auteur, dans sa compréhension du travail et pour tout ce qui concerne son travail. D’où encore, le terme: ‘non- partagé’. Responsabilité d’auteur non-partagée est une déclaration, une affirmation, c’est un terme offensif et ‘dur’ en opposition à la mollesse du terme ‘collaboration’. ‘Non- partagé’ veut dire clarté, décisif, ‘non-exclusif’, ouvert à la ‘coexistence’. ‘Non- partagé’ signifie dire oui à la complexité et implique la multiplication, pas la division. Aujourd’hui, les problèmes de revendication de ‘responsabilité’ proviennent de ce ‘partage des responsabilités’ qui pousse à l’excuse: “Je ne suis pas responsable de ça, je ne suis que responsable de ceci!”. La Responsabilité d’auteur non-partagée – on pourrait également dire ‘Responsabilité non-partagée’- permet d’assumer la responsabilité pour ce dont je ne suis pas responsable. La Responsabilité d’auteur non-partagée permet d’être l’auteur même si je ne suis pas “l’auteur”, c’est essentiel et c’est ce qui est nouveau.

Egalité
Je crois à l’Universalité et au pouvoir universel de l’art de transformer chaque être humain. D’autres mots pour ‘Universalité’ sont ‘Egalité’, le ‘Public Non-Exclusif’, ‘Vérité’, ‘L’Unique Monde’ ou encore ‘Justice’. D’autre mots pour ‘Conviction’ sont ‘Résistance’, ‘Intensité’, ‘Mouvement’ ou ‘Création’. Par mon travail, je veux confronter ma ‘Conviction’ à la réalité, et je veux m’impliquer pour l’art avec une absolue égalité. ‘Conviction’ et ‘Egalité’ sont deux notions constitutives de l’art. La ‘Conviction’ c’est d’y croire de façon absolue, de suivre par décision, par espoir et s’en servir comme arme, comme affirmation. Je ne comprends pas le sceptique, le déçu, le résigné, le cynique, le critique – rien ne peut être fait sans croire à l’égalité. Croire à l’égalité est une force, c’est quelque chose d’actif, c’est une résistance face à l’objectivité ou à la neutralité. En s’appuyant sur l’‘égalité’ et la ‘non-exclusivité’, la notion de Responsabilité d’auteur non-partagée peut, avec une part de rêve et d’innocence, construire une base pour impliquer directement ‘l’Autre’. Il n’y a pas d’œuvre – en tant que telle – fondée sur l’inégalité ou l’exclusivité.

L’Autre
La seule possibilité de rencontre avec l’Autre, c’est en tant que ‘égal’. Ce n’est pas facile et on l’évite souvent par les circonstances, situations ou contextes actuels. Pour pouvoir y résister, je dois m’autoriser l’égalité, je dois m’autoriser à affirmer ‘être égal’. Cela veut dire établir une relation avec l’Autre parce que je crois à l’égalité. Cela veut dire, concernant le “Gramsci-Monument”, que je dois suivre ma conviction d’égalité sans que ce soit une attitude forcée, tout en restant fidèle à moi-même, et ainsi pouvoir rencontrer des habitants de sites possibles, qui seraient prêts à accueillir mon travail. L’égalité ne devrait-elle pas être l’évidence même? ‘Non-partagé’ est le contraire de non-égal. Agir en Responsabilité d’auteur non-partagée est un acte d’émancipation et de connaissance de soi-même qui ne demande aucune réponse. Etablir un contact avec l’Autre – à travers l’art – doit être quelque chose qu’on ‘donne’, quelque chose d’essentiel, d’absolu. C’est une nécessité dans tout travail ‘artistique’ de terrain. Je le fais seul et en solitaire pour le “Gramsci Monument” car je suis convaincu que le seul contact qui puisse se produire avec L’Autre, est un contact de ‘Un à Un’. Il ne s’agit pas d’une attitude de renfermement ou de romantisme. Seul le contact de ‘Un à Un’ peut créer un dialogue, ou même une confrontation avec l’Autre.

‘Je’ ou ‘moi’:
J’ai toujours pensé que le ‘je’ ou le ‘moi’ – que j’emploie souvent et sans timidité – est une notion qui inclut déjà l’Autre. L’Autre, la réalité, le monde – le mien aussi – doivent être inclus dans ce ‘je ‘ et ce ‘moi’. Je ne suis pas le premier ni le dernier à l’exprimer, mais le terme de ‘non- partagé’ dans Responsabilité d’auteur non-partagée élargit toute la dimension du ‘je’ et du ‘moi’. Je veux tout faire pour utiliser l’art comme outil pour inclure l’Autre – par mon travail. Là est le problème, le défi, et pourquoi j’aime tellement faire un travail d’art. Je veux faire un travail où l’affirmation: l’Autre est inclus dans le ‘moi’ et dans le ‘je’, prenne une forme. C’est ma compétence en tant qu’artiste.

Thomas Hirschhorn, 2012
(Traduit de l’anglais)

Thomas Hirschhorn
«Unshared Authorship» Schema, 2014
Courtesy of the artist